Après
l'Ecole en Bateau
La
reprise de la
vie
scolaire
L'école,
c'est
facile : on nous dit tout ce
qu'il faut faire...
(Sylvie, après 1 an à bord)
Elle
s'effectua de façon presque générale au niveau
correspondant à l'âge de ces
navigateurs, même s'il y avait difficultés scolaires au
moment du départ. Des établissements acceptaient ces jeunes à
l’essai et, constatant leurs aptitudes, confirmaient l’acceptation.
D’autres
faisaient passer quelques tests, normalement réussis. Points
forts : la maturité gagnée par cette vie à bord, la
foule de choses vues, apprises, pratiquées, la
motivation à réussir les examens comme les autres élèves.
Quelques semaines de
réajustements
suffisaient.
Des jeunes revinrent chez eux
en cours d'année scolaire.
Ceux-là, de même que d'autres peu enclins à retrouver l'école,
poursuivirent avec des cours par correspondance. Tâche ardue mais
qu'ils menèrent à bien.
Quelques uns, ayant atteint la limite de scolarisation obligatoire et
peu tentés par les études,
entrèrent directement dans la vie professionnelle. Leur séjour à bord
était aussi une bonne préparation à cela.
Le gain le plus important
peut-être fut la découverte par
ces jeunes gens qu’ils avaient plusieurs cordes à leur arc, que tel
domaine les
attirait plus que d’autres, que le monde était vaste et divers, et
qu’il était facile de s’y lancer puisqu’ils
l’avaient déjà fait, qu'ils s'étaient déjà frottés à diverses cultures.
Cette école en
bateau sur un
voilier d'antan fut ainsi
paradoxalement une bonne préparation à la vie moderne
(mobilité
professionnelle et géographique).


Les uns poursuivirent des
études souvent brillantes sur le
plan universitaire.
C'est après quatre années
sur le Karrek Ven qu'il a quitté à 17 ans, que F. a entrepris,
sans pénalisation, les
études qui l'ont conduit à Polytechnique. Son cas n'est pas unique.
D’autres, après acquisition d’un bagage secondaire
suffisant, s’orientèrent vers des métiers initiés durant le séjour à
bord : informatique, reportage, photo, dessin, monde
du
bateau, travail du
bois, mécanique, travail avec des jeunes, etc.
Plusieurs, aujourd’hui,
travaillent à l’étranger, de la
Chine aux Etats Unis. Plusieurs aussi arpentent la planète, au pôle
nord, en
Australie, en Terre de Feu, en Mongolie, et d’autres courent des milles
sur les
mers, dans de prestigieuses courses autour du monde ou dans des
errances de
rêve dans des mers de corail.
Mais il y a aussi, sur le sol
national, des chefs
d’entreprise, des ingénieurs, des enseignants, des moniteurs sportifs,
des travailleurs
sociaux, des
artisans, des graphistes,… Pas de « formatage », donc.
Ainsi
se trouva validé le caractère d'alternative
à l'école
ou, plus largement, d'alternative
éducative, de cette formation active.
La
reprise de la vie
familiale
Pour
mon retour, on avait organisé une fête avec toute la famille...
Mais je n'y étais
pas encore.
(Régis, 3 ans à bord)
Retrouver sa famille se passait
généralement bien.
L’indépendance des jeunes, leur
maturité, furent appréciées. « J’ai perdu une enfant, j’ai
gagné une amie »,
dit une mère. Beaucoup de petits problèmes quotidiens qui conduisaient
antérieurement
à des accrochages étaient tombés.
Lorsque
ce ne fut pas le cas, cela ne
tint
pas aux jeunes eux-mêmes mais à l’un des parents, sinon aux deux :
retour contraint, reprise des mauvaises habitudes relationnelles
antérieures... Situation parfois difficile à gérer
lorsqu'il y a des frères et sœurs, mais si ce retour était préparé,
avec discussions et explications, les choses se passaient
bien. Paradoxalement, la réadaptation familiale se passait mieux
lorsque le
séjour à bord avait été plus long : la fratrie avait grandi et l'on
avait pris l'habitude de suivre les aventures de ce voyageur qui
revenait de temps en temps renouer avec les siens.
Dans
la plupart des cas, le retour était volontaire ou résultait d'un accord
réciproque. La maturité qu'avait gagnée le jeune lui permettait alors
de se
rendre compte de la situation et d'aider à la rendre agréable.
La
reprise de la vie
dans l’environnement social de l’école
Pierre
réclamait sans cesse des explications.
Compatissant, je les lui donnais, jusqu'à ce que je me lasse et demande
à la classe
de les lui fournir. J'ai réalisé alors que personne ne
comprenait, mais que seul, Pierre. le disait.
(Le professeur de maths de Pierre de retour de 2 ans sur mer.)
Si
la reprise d'une scolarité se fit généralement sans guère de
difficultés, retrouver un milieu où l'initiative du jeune est
limitée fut parfois difficile à vivre, vis à vis des professeurs comme
des
élèves.
Ces jeunes marins avaient abandonné une vie exaltante pour venir
préparer et passer leurs diplômes. Ils voulaient donc que "ça marche",
et non juste faire ce qu'ils considéraient parfois comme de la présence
en classe.
Ils avaient exploré l'aspect très concret de
phénomènes physiques et s'étaient à l'avance réjoui d'en découvrir à
l'école l'aspect théorique. D'où leur déception quand un professeur
leur
répondait que ce n'était pas au programme de l'année.
Leurs
condisciples n'avaient généralement pas la même maturité, les mêmes
habitudes d'indépendance, de prise de
décision. Les jeunes navigateurs se retrouvaient ainsi parfois isolés,
au moins dans les
débuts, ou recherchaient des compagnons plus âgés. C'est ce qu'ils
signalaient dans leur correspondance à leurs
anciens co-équipiers encore à bord, les prévenant de ce qu'ils
retrouveraient et... les exhortant à profiter pleinement de ce qu'ils
vivaient !