Le
budget
Chacun
collait les factures et notait ses dépenses sur un cahier
et moi, je
reportais ça sur l'ordinateur, par type de dépense.
(Vincent, 4 ans à bord)
Trois
sources alimentaient le budget :
- La
participation parentale (frais de nourriture et
d’habillement,
plus quelques frais courants inhérents à la présence à bord de leur
enfant.
Cela assurait une base « de sécurité »).
- Certains
des
travaux du groupe : plongée, accueils en vacances,
articles et photos pour magazines, films pour les
télévisions.
- Les travaux de
maintenance effectués par le groupe (sous forme, donc,
d'un
« manque à dépenser »). Et ce n'étaient pas que de
petits travaux d'entretien !
Les deux derniers postes
représentaient les 2/3 du budget. Les
jeunes tiraient autonomie et fierté de cet autofinancement.
Les bateaux ont toujours été
mis gratuitement à disposition
des groupes pour leurs activités.
Les adultes ne percevaient pas
de salaire afin de ne pas alourdir la
contribution parentale.
(Autofinancement
>>>)
Indépendance
individuelle et sécurité
Les
manœuvres avec beaucoup de vent et quand ça remuait, j'en avais
peur.
Un jour, j'y suis
allé avec les autres, sans me rendre compte, et je n'ai plus eu peur.
C'était même drôle.
(Antoine, 1 an à bord)
La sécurité
était
facilitée par la conscience de
chaque jeune des risques encourus. L’adulte n’étant pas
derrière eux,
ils
devaient par eux-mêmes faire preuve de vigilance.
Le matériel de sécurité (bouées, gilets de sauvetage, extincteurs,
etc.) était celui qu'exigent les règlements.
En manœuvrant, on comprend vite
qu’il faut s’écarter d’une
voile qui claque avec ses énormes poulies, ou que le bateau ne peut
s’arrêter
et virer immédiatement pour repêcher quelqu’un. Après deux ou trois
chutes sur
le pont, on apprend à
se tenir dans la
houle.
Circuler à bord sans entrave,
de nuit comme de jour, rend plus
circonspect qu’être attaché - et permet davantage d’habileté. Bien
entendu, à
la barre d’un petit bateau, par gros temps et vagues balayant le pont,
ou pour
grimper dans la mâture neutraliser une voile déchirée qui bat, un
harnais de sécurité était de mise .
Question de
bon sens…

A
manier librement
les outils, on apprend à bien s’en servir, à les dominer,
à s’en garer. Les machines avaient leur protection
règlementaire. Les
anciens enseignaient aux nouveaux, risques et modes d’emploi.
La plongée
se faisait à plusieurs. Pour la plongée avec bouteilles, les consignes
de sécurité étaient celles de la plongée en école, les adultes
ayant une formation de plongeurs.
La vie active rend agile et
fort. Les mers souvent tièdes où
évoluait le bateau encourageaient à développer la natation,
quasi-quotidienne.
Les jeunes marins grimpaient comme ils voulaient dans le gréement et
jusqu’en
haut du mât (par plaisir mais aussi par nécessité, pour décoincer un
cordage).
Cet entraînement physique aussi participait à assurer leur sécurité.
Les
maladies étaient rares et
bénignes.
Même les allergies disparaissaient (asthme juvénile, en particulier).
La
pharmacie du bord permettait les soins nécessaires. Un médecin pouvait
être contacté par radio.
L'adulte permanent avait une formation de secouriste, de nageur
sauveteur et de sauveteur en mer.
Les achats à faire à terre,
seul ou avec un copain, les
visites, les explorations, rendaient à l’aise dans la rue. Celle-ci
devenait
ainsi un lieu de découvertes. Chacun s’efforçait d’ailleurs de parler
la langue
du pays visité. Hormis deux ou trois vols sans gravité, personne n’y
fut importuné.
Le
risque est
inhérent à la vie. Il était accepté, par les jeunes et par
leurs
familles, à la
fois comme formateur et comme le sel de l’existence. Il n’était pas
recherché,
mais chacun apprenait à l’affronter, à le maîtriser. En 33 ans d’Ecole
en
Bateau, un seul de ces marins tomba à la mer (soulevé par un foc avec
fort vent - vite repêché : bouée de
sauvetage
lancée, et
quelqu’un tout de suite sur
la timonerie pour ne pas le perdre de vue durant la manœuvre de
récupération). Aucun accident grave ne fut à déplorer en navigation.
Les rares
accidents intervinrent au mouillage ou au port, quand l’attention
individuelle
se relâche.

Familles
et temps de
séjour
Mes
parents ne me manquaient pas tellement. Mon frère, oui.
Et je crois que je
lui manquais encore plus.
(Alex, 18 mois à bord)
Certaines familles acceptaient
de laisser partir
leur enfant par souci éducatif et pour lui, quoi qu'il leur en coûtât
affectivement. D'autres trouvaient là un éloignement souhaitable pour
l'enfant, lors de problèmes comportementaux ou familiaux. De toutes
manières, aucun jeune
n'aurait pu embarquer s'il n'avait pas été volontaire pour cela. Et
aucun n'aurait pu le faire avec la tranquillité d'esprit nécessaire si
ses parents s'y étaient opposés.
De nombreux jeunes
renouvelèrent
l’expérience d’une année à bord, quelques uns
même, plusieurs années.
Au début de l'été 1987, par exemple, sur 13 jeunes, on trouve 1 nouvel
arrivé, 7 à bord depuis 1 an (dont 6 vont poursuivre), 1 depuis 2 ans,
2 depuis 3 ans, 1 depuis 5 ans et 1 depuis 6 ans).
Ils rentraient chez eux annuellement pour quatre à six semaines aux
vacances de la famille.
Quelques familles sont venues naviguer un ou quelques jours avec le
bateau.
Malgré la distance, les
contacts avec les familles étaient faciles, au moins par téléphone en
cas d'urgence,
mais le jeune et les siens savaient qu’il fallait se lancer dans
l’aventure et
donc ne
pas rester trop dépendant. Les liens familiaux ne s’en distendaient
nullement,
au contraire.
Depuis
le premier départ, en 69, une personne, en France, recevait
régulièrement
toutes les
informations sur le bateau et la vie à bord et pouvait les communiquer
aux familles ou
amis en manque de lettre. Car les courriers pouvaient être espacés
(manque d'habitude de certains jeunes de communiquer ainsi, postes
défaillantes dans certains pays).
Au
cours des dernières années, le Minitel (chaque semaine), puis
l'Internet, ont grandement facilité
les échanges aux escales. En mer, la communication (emails compris)
passait par radio.
Il fallait cependant garder à l'aventure sa "parenthèse de
vie", ne pas la tuer. On attendait, à terre, de
"savoir", mais le jeune était d'abord occupé à vivre l'expédition.
Quelques retours furent
contraints par les
familles : crainte des effets d’un retrait prolongé de
l’enseignement
classique, problèmes de couple, de fratrie...Mais, dans la plupart des
cas, le
jeune
« négociait » son retour avec ses parents. De cet accord dépendait beaucoup
de sa bonne continuation chez lui et en classe.